Le Médipôle et l’Institut Pasteur renforcent la surveillance des bactéries résistantes en Nouvelle‑Calédonie

publié le 08/09/2025

Résumé : Les équipes du Centre Hospitalier Territorial (Médipôle) et de l’Institut Pasteur de Nouvelle‑Calédonie (IPNC) intensifient leur coopération face à l’antibiorésistance. L’objectif est de mieux détecter les bactéries multi‑résistantes, d’améliorer les pratiques d’antibiothérapie et de sensibiliser le grand public. La mobilisation s’inscrit dans une stratégie « Une seule santé » qui relie hôpital, ville, environnement et éleveurs.

Un signal local qui s’inscrit dans une alerte mondiale

La résistance des bactéries aux traitements constitue une menace croissante pour la santé publique à l’échelle mondiale. L’enjeu est de pouvoir soigner des infections autrefois bénignes, d’éviter les complications postopératoires et de préserver l’efficacité des antibiotiques disponibles.

Ce que fait la coopération CHT–IPNC

La coopération repose sur trois piliers. D’abord, la surveillance microbiologique : les laboratoires identifient les bactéries responsables d’infections, testent leur sensibilité à plusieurs familles d’antibiotiques et partagent les résultats afin de repérer des signaux inhabituels (émergence d’une souche, résistance rare, flambée dans un service). Ensuite, la stewardship antibiotique à l’hôpital et en ville : promouvoir les prescriptions adaptées (bon antibiotique, bonne dose, bonne durée) et limiter l’auto‑médication. Enfin, la prévention et le contrôle des infections : hygiène des mains, isolement contact quand nécessaire, bon usage des dispositifs médicaux et nettoyage renforcé des surfaces à risque.

Pourquoi la résistance augmente

Plus une bactérie est exposée à un antibiotique, plus elle a de chances de sélectionner des mécanismes qui la rendent moins sensible. Les résistances se transmettent par clonage des souches ou par échange de gènes entre bactéries (plasmides, transposons). Certaines souches finissent par résister à plusieurs familles d’antibiotiques : on parle alors de bactéries multi‑résistantes. L’usage inapproprié des antibiotiques chez l’humain, mais aussi en élevage et dans l’environnement, accélère ce phénomène. La circulation des personnes et des animaux facilite l’extension des résistances.

Les infections concernées en pratique

En milieu hospitalier, les infections urinaires compliquées, les pneumonies, les infections de plaie ou liées aux cathéters sont les plus sensibles aux résistances. En ville, les cystites simples, angines et bronchites aiguës entraînent parfois des prescriptions d’antibiotiques qui ne sont pas nécessaires (notamment en cas d’infections virales). La pédagogie auprès des patients est essentielle pour éviter l’attente automatique d’un antibiotique à chaque épisode fébrile.

Le rôle des laboratoires

Les laboratoires utilisent des méthodes standardisées pour déterminer la sensibilité d’une bactérie (antibiogrammes par diffusion, micro‑dilution, tests rapides). Ils s’appuient sur des référentiels qui fixent des seuils d’interprétation. Les données sont agrégées pour produire des profils de sensibilité par espèce bactérienne et par contexte clinique. Cela guide les recommandations locales, par exemple pour choisir l’antibiothérapie probabiliste en cas d’infection grave avant d’avoir la culture.

Des pratiques d’antibiothérapie à renforcer

Le levier le plus immédiat reste la pertinence de l’antibiothérapie. Prescrire seulement quand c’est utile, et le faire correctement, évite de sélectionner des résistances tout en améliorant l’efficacité du traitement. Les formations régulières des soignants, la diffusion de guides locaux et l’accompagnement par des infectiologues et des microbiologistes contribuent à homogénéiser les pratiques. En parallèle, la dispensation par les pharmaciens et la compréhension des patients (observance, durée) complètent la chaîne de qualité.

Prévenir les infections à la source

L’hygiène des mains, la vaccination, la prise en charge rapide des plaies et la limitation des gestes invasifs non indispensables réduisent l’incidence des infections. Moins d’infections signifie moins d’antibiotiques, donc moins de pression de sélection. En établissement, la mise en place de parcours « isolement contact » et d’audits de pratiques (hygiène, nettoyage, gestion des dispositifs) limite la diffusion des souches résistantes.

Une approche « Une seule santé »

La résistance aux antibiotiques traverse les frontières entre santé humaine, santé animale et environnement. Sur un territoire insulaire, la surveillance du bon usage des traitements en élevage, la qualité de l’eau et la gestion des effluents hospitaliers ont leur importance. Les acteurs de la santé, de l’agriculture et de la recherche peuvent partager des indicateurs et des protocoles, pour obtenir une vision cohérente de la situation locale.

Informer sans alarmer : le rôle du grand public

Les messages clés sont simples : les antibiotiques ne sont efficaces que contre les bactéries (pas contre les virus), ils ne doivent pas être pris sans avis médical, et une ordonnance précise une durée à respecter même si les symptômes s’améliorent. Rapporter les boîtes non utilisées à la pharmacie, ne pas partager ses médicaments et demander conseil en cas de doute sont des réflexes utiles. Les familles et les écoles peuvent relayer des messages d’hygiène (lavage des mains, étiquette respiratoire) qui réduisent les infections saisonnières.

Quelles spécificités calédoniennes ?

La dispersion géographique et la diversité des structures de soins posent des défis logistiques : acheminement des échantillons, homogénéité des pratiques et retour des résultats. Les échanges entre le Médipôle et les centres médico‑sociaux, appuyés par l’IPNC, facilitent l’harmonisation des protocoles. Les actions de sensibilisation grand public (conférences, ateliers) permettent d’ancrer les messages dans la vie quotidienne des familles et des professionnels.

Encadré pédagogique — Comment lire un antibiogramme ?

Un antibiogramme indique, pour une bactérie identifiée, la liste d’antibiotiques testés et l’interprétation (sensible, intermédiaire, résistant). Le clinicien choisit ensuite l’antibiotique en tenant compte du site infectieux, des allergies, de la fonction rénale et des interactions médicamenteuses. La réévaluation à 48–72 heures (« désescalade ») permet d’ajuster le traitement lorsque les résultats de culture sont disponibles.

Conseils pour les patients

En cas de fièvre ou de toux : consulter avant toute prise d’antibiotique ; les infections virales n’en tirent aucun bénéfice.

Si un antibiotique est prescrit : respecter la dose et la durée ; ne pas interrompre de sa propre initiative.

À la maison : se laver fréquemment les mains, nettoyer les surfaces partagées, éviter l’automédication et rapporter les restes à la pharmacie.

En voyage : s’informer sur les vaccins et l’hygiène alimentaire ; éviter l’achat d’antibiotiques sans contrôle médical.

Vers des indicateurs partagés

Pour piloter l’action, des indicateurs simples peuvent être suivis : consommation d’antibiotiques en hôpital et en ville, proportion de certaines bactéries résistantes (selon des espèces prioritaires), taux d’isolement contact, délais de rendu des résultats et adhésion aux recommandations. Le partage de tableaux de bord entre soignants, autorités sanitaires et chercheurs accélère la détection des dérives et l’ajustement des pratiques.

Perspectives

À court terme, la diffusion de guides de bon usage et la formation des équipes peuvent réduire la pression de sélection. À moyen terme, l’harmonisation des circuits d’échantillonnage et l’amélioration des retours de résultats renforceront la pertinence des prescriptions. À plus long terme, l’accès à de nouveaux antibiotiques et à des alternatives (vaccins, phagothérapie, prévention) dépendra des avancées de la recherche et des politiques publiques.

Conclusion

La lutte contre l’antibiorésistance en Nouvelle‑Calédonie gagne en cohérence avec la coopération Médipôle–IPNC. En renforçant la surveillance, en améliorant l’antibiothérapie et en mobilisant le public, le territoire se donne les moyens de préserver l’efficacité des traitements. Cette démarche « Une seule santé » est la meilleure garantie pour protéger patients et soignants dans la durée.