Le Forum des îles du Pacifique a ouvert son 54e sommet à Honiara (8–12 septembre 2025)

publié le 08/09/2025

Résumé : Les dirigeants du Forum des îles du Pacifique (18 membres) se réunissent à Honiara, aux Îles Salomon, du 8 au 12 septembre 2025. L’agenda est dominé par le climat, la sécurité régionale et la gouvernance des océans, avec un projet de déclaration « Ocean of Peace ». Le pays hôte a décidé d’exclure les partenaires extérieurs (États‑Unis, Chine, Taïwan et autres) des sessions de travail, afin de privilégier un huis clos entre membres. La Nouvelle‑Calédonie, membre à part entière depuis 2016, suit particulièrement les dossiers climat‑financement, sécurité maritime et exploitation minière des fonds marins.

Calendrier et cérémonial d’ouverture

Le sommet s’étend du lundi 8 au vendredi 12 septembre 2025. L’ouverture officielle a lieu à Honiara, au Stade national, avec un accueil coutumier (Chupu), des prestations culturelles et la passation de la présidence du Forum. S’expriment notamment le secrétaire général du Forum, Baron Waqa, le Premier ministre des Îles Salomon, Jeremiah Manele, et le Premier ministre de Tonga, Aisake Valu Eke. La semaine alterne séances plénières, réunions à huis clos et consultations bilatérales.

Qui siège, avec quel statut

Le Forum regroupe 18 membres : Australie, Nouvelle‑Zélande, États indépendants de Mélanésie, de Micronésie et de Polynésie, ainsi que la Nouvelle‑Calédonie et la Polynésie française, admises comme membres à part entière en 2016. Les partenaires extérieurs (États‑Unis, Chine, Taïwan et autres « Post‑Forum Dialogue ») ne participent pas cette année aux sessions des dirigeants. Cette configuration vise à permettre un échange franc entre les membres, tout en suscitant des réserves chez certains États attachés au dialogue avec les partenaires.

Enjeux climat : adaptation, financements et Pacific Resilience Facility

Les chefs de gouvernement placent les impacts climatiques au premier rang : montée du niveau de la mer, intensification des aléas météo‑océaniques, dégradation des infrastructures et pressions sur les ressources halieutiques. Plusieurs dossiers reviennent à l’agenda : les besoins d’adaptation à court terme, la trajectoire 1,5 °C, les pertes et dommages, la préparation de la prochaine Conférence des Parties sur le climat (COP) et le soutien au Pacific Resilience Facility, instrument financier piloté par la région pour des projets d’adaptation communautaires. L’Australie cherche des appuis à sa candidature d’accueil d’une COP, en échange d’engagements accrus sur la réduction des émissions et le financement de l’adaptation dans les États et territoires du Pacifique.

Sécurité et « Ocean of Peace » : stabiliser un espace convoité

Le projet de déclaration « Ocean of Peace » vise à promouvoir un océan Pacifique sécurisé, résilient et coopératif, face aux trafics transnationaux, aux catastrophes et aux tensions géopolitiques croissantes. Les membres discutent de la coordination maritime (surveillance, sauvetage, pollution), de la cybersécurité et de la résilience des télécommunications. La région cherche un équilibre entre partenariats de sécurité (Australie, Nouvelle‑Zélande, États‑Unis) et respect des souverainetés nationales, alors que l’influence chinoise s’est renforcée, notamment aux Îles Salomon depuis 2022.

Profondes divergences sur la place des partenaires extérieurs

La décision d’exclure cette année les partenaires non membres des sessions des dirigeants, souhaitée par le pays hôte, marque un tournant. Elle est interprétée par certains comme une manière d’éviter des controverses (notamment autour de la présence de Taïwan) et de préserver un cadre « entre nous ». D’autres y voient un risque de fracturer les équilibres construits avec les partenaires de développement, au moment où la région a besoin d’investissements massifs pour l’adaptation et la transition énergétique. Des membres ont publiquement exprimé des réserves dans les semaines précédant le sommet ; la présidence insiste, elle, sur la nécessité d’un temps de délibération strictement régional.

Gouvernance de l’océan et ressources : pêches, aires marines, fonds marins

La gestion durable des pêches demeure un pilier du Forum : lutte contre la pêche illégale, traçabilité, retombées pour les économies insulaires. Les chefs de gouvernement évoquent aussi l’objectif de protéger davantage les écosystèmes marins par des aires gérées et des plans de restauration des récifs. Le sujet sensible de l’exploitation des fonds marins est de nouveau discuté, avec des positions contrastées entre moratoire de précaution, encadrement strict et stratégies nationales. Les membres s’accordent néanmoins sur la nécessité de décisions fondées sur la science et la responsabilité vis‑à‑vis des générations futures.

Économie et interconnexions : aviation, numérique, commerce

Au‑delà du climat, les dirigeants abordent l’accessibilité aérienne et maritime, essentielle pour les échanges et la santé des économies insulaires. L’amélioration de la connectivité numérique (câbles sous‑marins, sauvegardes, cybersécurité) fait partie des priorités afin d’assurer la continuité des services publics et des entreprises. Les ministres sectoriels ont préparé des recommandations sur le commerce intra‑régional, les normes sanitaires et la facilitation des investissements.

La position et les intérêts de la Nouvelle‑Calédonie

Membre à part entière du Forum depuis 2016, la Nouvelle‑Calédonie participe aux décisions sur les priorités régionales. Ses intérêts immédiats portent sur l’adaptation côtière, la protection des récifs, la sécurité maritime et la coopération économique régionale. Sur le plan politique, le gouvernement de la Nouvelle‑Calédonie a échangé en amont du sommet avec le secrétariat du Forum pour préparer la participation et présenter les enjeux territoriaux : résilience climatique des communes, continuités aériennes et maritimes, et liens entre transition énergétique et filière nickel. La présence au Forum renforce la capacité du territoire à nouer des partenariats opérationnels avec ses voisins mélanésiens et polynésiens.

Impacts concrets attendus pour la Nouvelle‑Calédonie

Adaptation — accès facilité à des financements régionaux pour les ouvrages côtiers, la gestion de l’eau et les plans de continuité communaux.
Sécurité maritime — coopération renforcée sur la surveillance des espaces maritimes, l’alerte aux catastrophes et la lutte contre les pollutions.
Économie bleue — projets de valeur ajoutée autour des pêches, du tourisme durable et des aires marines gérées.
Transition — partenariats techniques (énergies renouvelables, réseaux) et coopérations universitaires pour les compétences.
Jeunesse et mobilité — facilitation de stages, d’échanges et de formations régionales.

Ce qui peut faire basculer le sommet

Texte final — l’ampleur des engagements en faveur du climat (adaptation, pertes et dommages, soutien au Pacific Resilience Facility).
Sécurité — portée de la déclaration « Ocean of Peace » et modalités de coopération sans nuire aux souverainetés.
Partenaires — signal politique envoyé aux bailleurs et aux partenaires stratégiques par l’organisation des dialogues en marge des sessions.
Fonds marins — degré de consensus sur la précaution, la recherche et l’encadrement.

Analyse des angles médiatiques et des biais observés

Les médias internationaux mettent l’accent sur la rivalité stratégique (Chine/États‑Unis) et sur la décision d’exclure les partenaires, l’interprétant tantôt comme un signe d’alignement sur Pékin, tantôt comme la volonté de se parler « en famille ». Les médias locaux insistent davantage sur les priorités internes — climat, sécurité, coopération maritime — et sur les conséquences concrètes pour les territoires. Des divergences apparaissent dans les dates avancées pour certaines séquences (ouverture, plénières), d’où l’intérêt de s’en tenir aux informations officielles du secrétariat du Forum et des autorités hôtes.

Conclusion

Le 54e sommet du Forum des îles du Pacifique se tient dans un contexte de vulnérabilités climatiques aggravées et de tensions géopolitiques. La décision d’écarter les partenaires extérieurs des sessions marque un choix politique fort, qui peut à la fois libérer la parole interne et compliquer la mobilisation des soutiens financiers. Pour la Nouvelle‑Calédonie, l’enjeu est de convertir la dynamique régionale en résultats tangibles : financements d’adaptation, sécurité maritime, connectivité et coopérations économiques durables.